Les chemins du Bas Rouergue vers Compostelle, en Ouest Aveyron
 
Chemin Conques Toulouse
Chemin Conques Moissac
L'association du Bas-Rouergue vers Compostelle
L'histoire des chemins de St Jacques de Compostelle en Bas Rouergue
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Actualités des activités de l'association

PATRIMOINE


Villeneuve-d’Aveyron
sur les routes de l’Unesco…

par Christophe EVRARD,
Animateur de l'Architecture et du Patrimoine du Pays d'Art et d'Histoire 

Le pendu dépendu - Eglise de Villeneuve

L'église St-Pierre et St-Paul de Villeneuve-d'Aveyron, dont la partie la plus ancienne fut construite pendant la seconde moitié du XIe s. grâce à une donation seigneuriale (Odile de Morlhon en formula le souhait en 1053 au lendemain d’un pèlerinage qu’il effectua avec son épouse en Terre sainte), conserve un exceptionnel cycle peint consacré au culte de saint Jacques. Ces peintures murales, qu’occultait un enduit de chaux, ont été découvertes en 1965 puis restaurées. Remarquables en raison de la qualité de leur iconographie et de leur ancienneté, elles témoignent assurément de l'attachement qu'avait la communauté monastique de favoriser l'accueil des pèlerins. Des articles, une publication scientifique et des visites guidées ont permis de faire découvrir cette oeuvre au public. La commune, soucieuse de mettre en valeur les peintures murales, en a fait réaliser l’inventaire photographique. Elle souhaite dorénavant les faire classer au Patrimoine Mondial par l'Unesco.

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Eglise ST Pierre et St Paul de VIlleneuve d'Aveyron

Le cycle peint aurait été réalisé vers 1300, lors de l'agrandissement de l'église primitive (un édifice roman de plan centré doté d’un déambulatoire annulaire évoquant le Saint-Sépulcre de Jérusalem) contre laquelle fut plaquée une ample nef unique de style gothique languedocien. Les peintures ornent l'abside romane située au nord. Elles s'organisent sur trois niveaux et se lisent du bas vers le haut afin de satisfaire et de hiérarchiser la narration.

Dans la partie basse, trois pèlerins sont représentés en train de cheminer. Vêtus d'un long habit plissé, de chausses, d'un chapeau à large bord ou d'une coule, iIs portent les attributs dont se dotèrent progressivement les jacquets :

un bourdon (bâton surmonté d'un pommeau et terminé par une pointe ferrée), une besace de cuir (contenant pain, effets personnels et crédential) ornée une coquille St-Jacques. L'un d’eux s'emploie à souffler dans un cor. Un quatrième personnage (saint Jacques), doté des mêmes attributs et armé d’un bourdon, ferme la marche avec autorité.

Pèlerin  Pèlerin  Pèlerin

Au-dessus se développe la légende du Pendu dépendu, fort populaire pendant l'époque médiévale - dont il existe une variante toulousaine moins répandue – qui fut collectée par le pape Calixte II dans son Liber sancti Jacobi ou Codex Calixtinus (deuxième livre), puis traduite par Jacques de Voragine (La légende dorée) et Vincent de Beauvais (Speculum Historiale).

    Légende du Pendu-Dépendu

L'histoire se déroule vers 1130 et met en scène une famille de pèlerins partie de Germanie pour rejoindre Compostelle. Alors que la famille fait étape dans une auberge de Santo Domingo de la Calzada, non loin de Burgos, une servante tente de séduire Hugo, le fils. Econduite, elle cache alors pendant la nuit un plat d'argent dans les bagages du jeune homme et s’empresse de le dénoncer. Hugo est arrêté, condamné et pendu. Les parents éplorés reprennent leur route jusqu'à Compostelle et prient saint Jacques avec ferveur. À leur retour, venant se recueillir devant le gibet, ils découvrent avec stupéfaction leur fils pendu mais encore en vie : une scène représente le jeune homme dont l'un des pieds est soutenu miraculeusement par saint Jacques. Les parents se rendent chez le gouverneur de la ville, alors attablé en compagnie de convives, afin de demander qu'on dépende leur fils. L’alcade, incrédule, leur répond que leur fils n’est pas plus vivant que les volailles qui rôtissent dans le feu et qu’il s’apprête à manger. À ces mots, un coq embroché s’envole provoquant la clémence du gouverneur et la libération d’Hugo.
L’iconographie, qui donne à voir les principaux épisodes de la légende, était destinée à instruire le fidèle et le pèlerin. L’histoire légendaire permet d’exalter - à travers le miracle (l’intercession du saint est matérialisée par l’envol du coq) - le triomphe de la vertu (Hugo) et de la dévotion (les parents) sur le mensonge (la servante). Hugo, qui est assurément un pendant médiéval du Christ – injustement condamné et sacrifié -, est donc présenté comme un exemple absolu aux pèlerins et aux fidèles qui découvraient ces peintures. De cette légende, dont on connaît d’assez nombreuses représentations sur pierre, sur bois ou sur vitrail, ne subsistent en revanche en France que fort peu de peintures murales. Le cycle de Villeneuve est donc un témoignage iconographique précoce et d’une insigne rareté.

Christ

Au-dessus de la légende, dans le cul-de-four, est représenté le Christ en Majesté, assis sur un trône architecturé symbolisant la Jérusalem céleste, il bénit les fidèles de sa main droite, l’index, le majeur et le pouce levés. Cette partie de l’oeuvre permet de hiérarchiser par un procédé d’empilement (cycle terrestre, légendaire puis céleste) le message pédagogique que le commanditaire souhaitait adresser aux fidèles et aux pèlerins. Ces peintures réalisées au début du XIVe siècle, qui procèdent d’un système narratif conventionnel, adoptent en revanche une stylistique (modelé des visages, facture de la chevelure, gestuelle maniérée) qui les rattache incontestablement au registre de l’art courtois.
Le programme architectural de l’église primitive, fort original, s’inspire du saint Sépulcre et résulte d’un pèlerinage à Jérusalem. Les peintures murales, qui mettent en scène des pèlerins et célèbrent un miracle accompli par saint Jacques, témoignent quant à elles de la dévotion qui animait alors la société médiévale. On est en droit de penser, au regard de la situation de Villeneuve sur la route du Puy (Via Podiensis) – passant par Peyrusse, Villefranche et Najac - qui reliait Conques à Toulouse (ou Moissac), que ce chantier pourrait avoir été initié par l’abbaye bénédictine de Moissac, dont le prieuré de Villeneuve relevait alors, afin de renforcer l’afflux de pèlerins dans cette ville du Rouergue.
La commune de Villeneuve souhaite faire labelliser l’église et ses peintures au Patrimoine Mondial de l’UNESCO au titre des biens jacquaires (bien 868). Le label a d’ores et déjà été décerné à 71 sites ou édifices (plusieurs en Aveyron dont Conques) et à 7 tronçons de chemins en France. En février 2012, une réunion a permis de saisir les services de l’Etat et l’ACIR de ce projet. L’ACIR (association de coopération interrégionale), qui offrira un appui à la constitution
du dossier de candidature que le ministère de la Culture et de la Communication transmettra à l’UNESCO en 2013, est chargée de réviser (de réduire ou d’élargir) la liste des biens jacquaires. Les critères d’attribution du label sont aujourd’hui beaucoup plus exigeants qu’auparavant. L’association des Bastides du Rouergue a commencé à réunir une documentation scientifique qui permettra de confirmer l’historicité (dévotion, cheminement, accueil et soin des pèlerins) et la valeur exceptionnelle de ce bien jacquaire. La commune de Villeneuve-d’Aveyron, candidate, devra s’engager d’autre part à mettre en oeuvre durablement un programme de valorisation du monument et de l’oeuvre peinte :
    • Gestion et entretien (restauration)
    • Mise en valeur (signalétique, mise en lumière, documentation spécifique)
    • Médiation en lien avec le thème jacquaire (actions pédagogiques et culturelles)
    • Mise en oeuvre d’un centre d’interprétation dédié au pèlerinage
      vers Compostelle
    • Création d’un hébergement jacquaire
    • Mise en réseau avec les autres biens jacquaires labellisés
Il faudra de toute évidence que la commune de Villeneuve et ses partenaires s’arment de courage et de patience car la candidature au projet de labellisation devra tout d’abord être examinée, instruite et accompagnée par les services de l’Etat (ministère de la Culture et de la Communication) en 2014 ou 2015. Elle sera ensuite transmise et instruite par l’ICOMOS (conseil scientifique de l’UNESCO) qui examinera la pertinence du dossier de candidature et statuera sur la valeur exceptionnelle de ce bien jacquaire. La route sera longue, parsemée d’étoiles et d’épines…

Christophe Evrard
Animateur de l'Architecture et du Patrimoine du Pays d'Art et d'Histoire


Itinéraires floristiques
au fil du chemin de Saint Jacques
   

par Gérard BRIANE,
maître de conférence, département de géographie,
Université de Toulouse 2 

Ophrys Apifera

La randonnée du pèlerin de St Jacques est très riche du point de vue de la flore que nous pourrons observer au fil des saisons compte tenu de la diversité des paysages que nous traversons : bassin houiller, ségalas, causses des ères secondaires (Villeneuve) et tertiaires (Cordes). Cette forte biodiversité est due aux différences de substrats liées à la riche géologie des alentours de la faille de Villefranche-de-Rouergue.

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Le Ségala de Conques à Peyrusse-Le-Roc, puis de Najac à Laguépie, nous amène la fraîcheur des schistes, des gneiss et des granites. Au niveau de la végétation, il est dominé par le châtaignier, arbre emblématique et aux multiples usages (fruits, bois, feuilles). Le chêne pédonculé, souvent émondé, va également marquer le bocage des plateaux. Les cours d’eau comme l’Aveyron sont accompagnés de leur ripisylve, bande d’arbres avec frênes, peupliers et aulnes. Quelques landes à callunes et bruyères cendrées égaient le paysage estival de leurs floraisons pourprées.
A Firmi, le Puy du Wolf est très original car la serpentine qui le constitue est une roche volcanique où se développent des plantes très particulières comme la rare fougère Notholaena marantae ou le leucanthème méridional. On pourra également apercevoir cette flore à Najac près des mines de Ferragut où l’on a le même type de gisement.
Sur le causse de Villeneuve et le plateau cordais, c’est le calcaire qui va influencer la végétation. On y trouve le chêne pubescent, le charme et l’érable de Montpellier au magnifique feuillage rougeoyant en automne. Le cornouiller mâle égaie le tout début du printemps avec sa floraison jaune dorée. L’homme joue un grand rôle dans la diversité des milieux, notamment par le pastoralisme qui maintien le milieu ouvert. C’est dans les pelouses sèches autour de Villeneuve, de La Rouquette ou du plateau cordais que l’on pourra observer au printemps plus d’une trentaine d’espèces d’orchidées ! Parmi elles on peut citer l’ophrys abeille, l’ophrys jaune, le sérapias en langue, l’orchis militaire, l’orchis singe, l’orchis moucheron, le limodore à feuilles avortées, le céphalanthère blanc, la listère à feuilles ovales…
Autre curiosité botanique, près de Salles-Courbatiers, il y a le marais de Montaris qui est aux sources de la Diège et qui représente un des rares marais calcicole de Midi Pyrénées avec une végétation semi-aquatique dominée par la roselière, milieu insolite en milieu caussenard.
Tout au long du parcours, les influences méditerranéennes sont fréquentes avec l’oeillet de Montpellier, la filaire, l’alaterne ou parfois le pistachier térébinthe.
Durant l’été, certaines cultures vont s égayer des floraisons des plantes messicoles comme le coquelicot, le bleuet ou le rare adonis.
Ces paysages d’une grande biodiversité animale ou végétale sont largement reconnus au niveau européen et plusieurs sites sont classés Natura 2000 comme la vallée de l’Aveyron, le Puy du Wolf ou les landes de La Borie à la Rouquette.



Gérard BRIANE
Co-président de l’AMBA
(Association mycologique et botanique de l’Aveyron)
Si vous êtes intéressé par la biodiversité et la botanique (ou la mycologie) vous pouvez consulter le site de l’AMBA : http://www.asso-amba.fr


Sur le chemin de Saint Jacques :
la cazelle de Laumel,
sauvée par l’association « Los Paredaïres »
 

par Jean-Claude CHAZAL,
président de l'association "Los Paredaïres" 

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L’association villeneuvoise « Los Paredaïres » a vu le jour en 2010 ; elle est née de la volonté de quelques passionnés de « pierre sèche » qui se désolaient de voir disparaître, année après année, le petit patrimoine vernaculaire et, avec lui , un savoir faire ancestral, qui ,faute d’être transmis, s’effaçait , petit à petit, de la mémoire collective.

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Forte d’une cinquantaine de membres , l’association s’est donnée pour but : la sauvegarde et la restauration du petit patrimoine de la commune de Villeneuve ( murets , gariotes , cazelles…) . Elle a déjà à son actif plusieurs réalisations : murets sur la route de Sainte-Croix et de Lanuéjouls, sentier pédestre du « Tombeau du Géant » (retenu par le Conseil Général comme circuit de randonnée expérimental), aménagement d’un enclos et de murets autour du pigeonnier du foirail , et , plus récemment, la restauration de la magnifique cazelle de Laumel , route de Salles-Courbatiers .

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Cette construction, qui menaçait ruine , constitue un exemple remarquable de l’architecture paysanne apparue sur le Causse de Villeneuve au 18ème et 19 ème siècle (appareillage assemblé à sec , voûte à encorbellement , couverture en lauzes de calcaire ). Sa restauration lui a rendu toute sa beauté et sa situation, sur le chemin de Saint-Jacques ( étape Peyrusse –Villeneuve), permettra aux pèlerins de goûter un repos mérité , à l’ombre du poirier , puisque le propriétaire à très gentiment accepté de laisser libre accès à l’enclos qui l’entoure.
Les Paredaïres reprendront leurs activités dès la rentrée ; leurs interventions de sauvegarde sont décidées selon un cahier des charges très précis : en priorité , sur le domaine public , puis sur des sites privés ,valorisant les entrées de Villeneuve ou présentant un intérêt patrimonial, en accord avec les propriétaires.

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Ces journées « main à la pâte » sont ouvertes à tous ; pour apporter sa pierre à la restauration du patrimoine, il suffit de contacter le président : JC CHAZAL ou le secrétaire : JC TEULIER.


Des oiseaux au long du chemin
 

par Jean-Louis CANCE,
administrateur, ancien président
de la Ligue de Protection des Oiseaux de l'Aveyron 

Des oiseaux au long du chemin

Le pèlerin se lève en général très tôt pour son périple quotidien. Cela convient fort bien pour observer la faune sur le chemin. C’est aux premières heures de la journée, en effet, que la nature offre les plus belles découvertes. Dès la pointe du jour, le chant des oiseaux retentit comme un signal. C’est le chorus du matin, semblant dire à tous ceux qui veulent bien l’entendre : je suis là bien vivant après les heures sombres et dangereuses de la nuit !

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En zone de plaine, le chant de l’alouette des champs qui vole très haut dans le ciel pour émettre sa trille accompagnera le promeneur tout au long de la journée. Tout comme celui de l’alouette lulu dont le chant flûté est à l’origine du nom. L’hypolaïs polyglotte, dénommé ainsi pour ses talents d’imitateur, se perche volontiers au sommet d’un buisson pour témoigner de sa présence, comme la fauvette grisette. Ces deux espèces sont plutôt inféodées aux zones bocagères, là où les haies sont encore présentes. En forêt ou en bordure de cours d’eau, le loriot habite les frondaisons des grands arbres. Malgré sa couleur jaune vif, le mâle est difficile à observer, tant il est furtif. Heureusement, il émet un sifflement flûté audible de très loin, ce qui permet de repérer sa présence. Plus surprenante est la pie-grièche écorcheur, petit oiseau aux moeurs de rapace, qui se délecte des coléoptères en maraude sur le chemin et qu’elle empale sur des buissons épineux ou du fil de fer barbelé, réserves que l’on appelle « lardoirs ». Les rapaces abondent sur cette partie du sentier. Ils étonnent toujours le randonneur par leurs prouesses aériennes. La buse variable, bien sûr, est la plus connue. Mais il faut y regarder de plus près. Le milan noir de retour d’Afrique, le faucon hobereau, redoutable chasseur d’insectes ou de passereaux, tournoient au-dessus des randonneurs qui ne les verront pas s’ils oublient de lever les yeux. Le circaète jean-le-blanc, un rapace exclusivement mangeur de reptiles survole son territoire. La couleuvre verte et jaune, sa cousine la couleuvre vipérine ou bien le lézard vert qui se chauffent sur le talus aux premiers rayons du soleil doivent y prendre garde : le danger peut venir du ciel. Souvent peu farouche, un chevreuil broute en lisière de forêt où les sangliers, par leurs boutis, ont laissé une trace de chantier nocturne. Le pèlerin qui fait halte à Villefranche de Rouergue pourra, le soir venu, contempler la collégiale, chef d’oeuvre du gothique méridional, où niche désormais le faucon pèlerin, espèce emblématique de la biodiversité locale. Ainsi, comme une apothéose bien méritée, patrimoine architectural et naturel se mêlent pour le bonheur des marcheurs. Le lendemain, le chemin réservera encore bien des surprises pour qui sait regarder. Au fil des jours de marche, stimulé par tant de découvertes, entre deux monuments historiques, le pèlerin sera devenu aussi un observateur attentif et curieux de la nature.


Si vous êtes intéressé par la biodiversité et sa découverte vous pouvez contacter la LPO Aveyron, 10 rue des Coquelicots 12850 Onet le Château Tel : 05 65 42 94 48 http://aveyron.lpo.fr


Les racines occitanes du Chemin
 

par Christian-Pierre BEDEL,
Directeur de l'Institut Occitan de l'Aveyron 

Sagèl domerie aubrac

De Concas a Còrdoas, les contreforts du Massif central alternent puègs et ribièiras, terrains cristallins, houiller, Causses, terreforts, graves, roches volcaniques (serpentine du Puèg de Vòl, Najagués…).
On exploitait le charbon, l’alun et les sulfates autour des villages-rues de Firmin et de Cransac (musée et thermes du Puèg que ars), à Aubinh (musée de la mine) et les minerais étaient traités dans le Bassin (vestiges industriels). A Peirussa et à Vilafranca, on exploitait des mines de plomb argentifère (atelier monétaire). Autour de Vilafranca, à Najac et à Laguépia, on extrayait le cuivre (roseta), traité dans les martinets (Lesèrt) et transformé par des pairolièrs puis exporté par des marchands qui firent édifier des hôtels particuliers et le château Renaissance de Gravas.

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Diversité des sols, du relief et des influences climatiques engendrent des paysages spécifiques. Les castanhals dominent en Segalar où les châtaignons (rufòls, auriòls…) engraissaient les cochons, et l’herbe, le foin des fenials et les patanons permettaient d’élever le veau sous la mère. Le maïs (milh) des terrafòrts ou des ribièiras (Montelhs) engraisse porcs et canards. Le Causse produisait le froment dans ses combas et clops et élevait des brebis (fedas) dans les devesas. Le Vilafrancat exportait le safran, la trufa negra des Causses, les cèpes des Segalars, la noix, le marron de Laguépia, les prunes et les pommes du Viaur…

Occupé depuis le Néolithique, ce territoire fut celtilisé (Rutenas). Les noms en -ac (Cransac, Najac) dérivent du suffixe celte -acos (domaine de) latinisé en -acum. La présence romaine, longuement dominante, se traduit par des noms en -an (suffixe -anum : Galganh) ou en -èrgas, dérivé de -anica (Tolongèrgas, Valzèrgas).
Pendant la période aquitaine, la villa gallo-romaine fut démembrée en manses devenus des mas, et la décadence carolingienne (IXe-Xe s.) favorisa l’émergence de forts appelés pèiras ou ròcas : Concas, fort du Gas (Aubinh), Peirussa, Sant Joan d’Agremont, Corbièira, Najac, Sant Martin de Laguépia et le site du futur Còrdoas. Il s’agit souvent d’anciens caps-barrats ou d’oppida. Peirussa, Najac et Còrdoas deviendront de vrais villages castraux et des sites stratégiques pendant la Crosada contre les hérétiques “albigeois”.
En 1222, Còrdoas sera ainsi fondé à partir d’un castrum par le comte de Tolosa pour protéger ses fidèles. Ces trois sites seront cédés pour cinq ans au roi de France en garantie de la paix après la révolte du Toulousain (1242). Les Najagòls se révolteront à la mort de Raimond VII (1249) et, méfiant, le nouveau maître, frère du roi de France, y établira le donjon gothique et créera la bastida de Vilafranca (1252).

sagèl consuls Najac

Au bâti militaire correspond un bâti religieux qui s’affirme dans l’art roman avec l’abbatiale de Concas (XIe-XIIe s.), le tympan (“Lo qu’a pas vist portal de Concas (…) a res vist.”), la majesté de santa Fe et autres trésors. Mais ce sont aussi les églises ou chapelles préromanes, comme celles du fort d’Aubinh, de Sant Joan d’Agremont et surtout Tolongèrgas avec ses peintures, ou les églises mixtes conjuguant roman et gothique, comme à Vilanòva (peintures jacquaires du XIVe s., dédicace gothique en occitan, à Aubinh (Christ roman, à Sant Remèsi… La première église paroissiale gothique du Rouergue est celle de Najac, construite, dans un style typiquement occitan, aux frais des Najagòls suspects de sympathies hérétiques (XIIIe s.).
La collégiale (la Grand’ Glèisa) de Vilafranca se rattache à ce gothique dit méridional. La chartreuse du XVe s. et la chapelle Sant Jacme complètent, avec des édifices civils, la série gothique, surtout à Vilafranca (dédicace occitane de l’ostal Rainald, XVe s.) et à Còrdoas. Le château Renaissance de Gravas, les hôtels du XVIe s., les chapelles des pénitents noirs (baroque) ou bleus (classique sont témoins des Guerres de Religion, de la révolte des crocants (1643) et de la Contre-Réforme (début du XVIIIe s.).
L’architecture civile, c’est aussi l’aménagement de castelnòus (Najac), de salvetats (Vilanòva, Najac jusqu’au Borguet), puis des bastidas (Vilanòva, Najac par adjonction, et surtout Vilafranca). La Vila, avec ses quatre gachas (del Gas, de la Glèisa, de la Font / source, del Puèg), sa carrièira drecha, ses cantons, ses carrièirons, son grifol, ses gitats, son pont vièlh (ou dels cossols) et ses òrts est l’exemple même de la bastida qui a réussi.

S’agissant du patrimoine vernaculaire, on trouve autour de Vilanòva et de Vilafranca les lavadors électoraux du candidat Cibiel. Les casèlas des Causses servaient d’abris de pastre, de cabanes de vigne ou de granjon-colombièr.
Omniprésente depuis le Moyen Age, la vigne privilégie le fèr servador ou saumancés autour de Concas, et le còt ou auxerrois (Caors) vers les Causses. Appelé malbèc, on le retrouve, en Galhagués, avec le fèr servador appelé braucol.

Plat emblématique du Rouergue occidental, l’estafin ou estòfinada est préparé avec le stockfish (aiglefin séché), réhydraté, cuit à l’eau, débarrassé des arrêtes et mélangé avec des pommes de terre écrasées (la blanca). On ajoute des oeufs durs et des oeufs frais, assortis d’une persillade, sur lesquels on verse de l’huile de noix brûlante et/ou parfois du saindoux fondu.

Pendant plus d’un millénaire, ce pays a vécu en occitan comme en témoignent les noms de lieux et de familles, la littérature (depuis la Cançon de santa Fe, du XIe s., jusqu’aux félibres et occitanistes des XIXe-XXe s.), les actes publics (chartes, règlements et comptes consulaires, contrats, compois et registres divers jusqu’au XVIIe s.) et les chansons et écrits politiques du XVIIIe s. à nos jours.
Mais c’est aussi la langue de la tradition orale pour évoquer les légendes autour de Gargantuà (Concas, Najac), des fachilhièiras ou du Drac (molin de Narbona), des contes merveilleux (en Conqués, Vilafrancat et Najagués) ou pour chanter la célèbre missonièira de La Bèla Alè qui est aussi Lo pont d’a Mirabèl.


Christian-Pierre BEDEL
Directeur de l'Institut Occitan de l'Aveyron

 

Le château de Najac    Conques