Cette étape relativement courte laisse le temps au pèlerin de
visiter tant au départ qu’à l’arrivée Villeneuve et Villefranche.
Ce parcours se fait de ligne de crêtes en fond de vallée ce qui pose
la problématique du type d’itinéraire qu’utilisaient nos anciens.
Suivant les périodes, en temps d’insécurité ou en temps de paix, on
préférait plutôt la marche à défilement plutôt que de s’exposer sur
les hauteurs. L’axe général de progression est plein Sud, le
lieu-dit La Draille prouve que nous sommes sur une des grande voie
de passage qui depuis le néolithique, puis lors de la conquête de
Jules César et la construction de voies romaines permettaient de
rejoindre Toulouse. Cette voie est connue depuis le moyen-âge sous
le nom de draille des Auvergnats.
Au village de Veuzac, 50 m après l’église sur la droite, une maison
porte les initiales d’un pèlerin anonyme qui avait voulu
immortaliser son grand voyage en gravant une coquille encadrée de 2
bourdons sur le linteau de sa fenêtre.
Enfin c’est Villefranche de Rouergue avec des souvenirs jacquaires
d’une qualité exceptionnelle puisque le tryptique hôpital pour
pèlerins, confrérie de jacquets et chapelle du XVème, se compte sur
les doigts d’une main nous dit Christophe Évrard, animateur du
Patrimoine du pays d’art et d’histoire.
Vous quittez Villeneuve en passant par un souvenir médiéval d’une grande portée symbolique ; Autour de l’an 1000, les moines plantaient aux 4 coins cardinaux du périmètre des sauvetés des croix de pierre ; à l’intérieur de ce périmètres les personnes menacées bénéficiaient du droit d’asile dans le cadre de la Paix de Dieu.
200 m après avoir longé la rive droite de l’Aveyron, en vous retournant une belle photo de Villefranche vue sous un angle original s’impose, le chemin, la rivière, les première constructions dominées par l’imposant clocher de la collégiale.
C’est la ligne de très haute tension de 200 000 volts qui coupe le GR, du nom de la compagnie électrique qui en fit l’installation. Cette ligne venant du Bassin de Decazeville, rejoint les Pyrénées centrales et la frontière espagnole. On dit que pendant la guerre, les aviateurs alliés ou les résistants qui souhaitaient passer en Espagne sans se perdre n’avaient qu’à suivre son trajet pour arriver sans se faire repérer à bon port.
Après Bel-Air vous quittez les hauteurs pour plonger dans la vallée. Vous connaissez les oléoducs, les gazoducs… vous allez découvrir le boviduc du Mas de Caville qui permet aux quadrupèdes et accessoirement aux pèlerins de passer sous la départementale venant de Figeac en toute sécurité.
Avant St Rémy une variante vous permet de passer par l’église préromane de Toulongergues. Datant du Xème c’est la plus ancienne église de l’Aveyron (IX ou Xe s.), et l’archétype d’église à chevet plat.
C’est le coup de coeur de l’Etape ; à un confluent de vallées, bien exposé au midi, vous arrivez à Saint-Rémy. Ce petit village est emblématique de notre vieille France, un village de carte postale avec l’église, son clocher et le petit cimetière attenant, son château médiéval, sa tour et les mâchicoulis, la mairie et l’école, la place du village rénovée, les maisons fleuries et les jardinets bien entretenus. Il s'agit d'un château de la fin du XVIe construit à l'emplacement d'un château médiéval (XIIIe s). Les coins pique-nique ne manquent pas que ce soit au bord de l’étang à coté du moulin, ou près du lavoir au bord du ruisseau qui traverse le village. Saint-Rémy avait même un hôpital pèlerin à l’époque médiévale.
Magnifique ferme du XVIIIème avec le corps de logis entouré des bâtiments d’exploitation, la grange, les bergeries et son pigeonnier recouvert de lauzes calcaires. Nous sommes ici en Aveyron dans le rayon de Roquefort et le lait de brebis sert à la fabrication du célèbre fromage d’Appellation d’Origine Protégée.
Peu après la ferme se dresse un relief de cuestas comme disent les géographes, à Puech Saumon subsiste une butte témoin : les calcaires durs de l’étage bajocien – bathonien ont résisté aux millénaires et constitué ce petit promontoire. ...Anecdote macabre, les corps des suppliciés, bien en vue depuis le grand chemin étaient exposés sur les fourches patibulaires à titre d’exemple.
Après avoir passé Farrou, puis Veuzac vous arrivez en vue de Villefranche ; au lieu dit le Raix se dresse un mémorial honorant la mémoire de la « Révolte des Croates ». Le 17 septembre 1943 Villefranche a été le théâtre d’un évènement inouï dans les annales de la 2ème guerre mondiale et pendant longtemps occulté : la mutinerie d’un bataillon de Waffen SS de la 13 ème division de montagne Handschar, (le cimeterre, en turc) composée en majorité de Bosniaques musulmans et de Croates catholiques. La révolte échoue, après avoir été suppliciés, les auteurs sont fusillés ; Himmler décorera en personne de la Croix de Fer, le médecin major Schweiger qui avait réussi à prévenir l’état major de la division de cette sédition. Villefranche est jumelée avec Pula en Croatie et Bihać en Bosnie.
Un peu après l’Institut François Marty, très beau point de vue plongeant sur Villefranche et le clocher de la Collégiale Notre-Dame.
Villefranche est la ville qui détient le plus de monuments classés du département. L’importance politique et commerciale de Villefranche a laissé de beaux restes, les souvenirs jacquaires et patrimoniaux de la Perle du Rouergue sont particulièrement nombreux et attestent du passage des jacquets. Jadis siège du sénéchal c'est-à-dire du pouvoir royal, nous dirions de nos jours que Villefranche était préfecture du département et la ville la plus importante du Rouergue.